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Sacha Guitry, tout son univers, théâtre, cinéma, biographie, livres et citations

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18, avenue Élisée-Reclus

Édition Raoul Solar, Paris 1952



Présentation

Ouvrage publié à l’occasion de l’ouverture de l’hôtel particulier de Sacha Guitry en février et mars1952, composé de photographies du bâtiment et des collections.


Critique

Avec Toa, Sacha Guitry avait reconstitué son intérieur sur une scène de théâtre. Aujourd’hui, c’est la scène qu’il a transportée à l’intérieur de son hôtel particulier de l’avenue Elisée-Reclus où se joue — sans lui — son dernier spectacle. Depuis un mois, en effet, le public est admis à visiter, de 11 heures à 13 heures et de 15 à 19 heures, le grand salon de 18 mètres sur 5 dans lequel le maître a réuni les pièces les plus significatives de ses inestimables collections. Le droit d’entrée, fixé à 1.000 francs, est perçu au profit des œuvres de la Société des auteurs. Les spectateurs ne sont admis que sur rendez-vous et par groupe de dix. La visite dure une heure et s’effectue sous la conduite d’un valet de chambre. Par suite du nombre des demandes, Sacha a dû prolonger d’une semaine son repos à la villa « Les Funambules », au Cap d’Ail. Jusqu’à ce jour, en effet, 1.600 personnes se sont succédé avenue Elisée-Reclus. Les visites ne prenant fin que le 2 mars, c’est donc plus d’un million et demi que les vieux de la S.A.D. vont recevoir grâce à la générosité de l’auteur d’Une folie.

Bien qu’elle approuve évidemment le but de cette exposition et l’emploi qui sera fait de l’argent ainsi recueilli, l’Académie Goncourt ne peut s’empêcher de concevoir quelques inquiétudes quant au sort futur de la collection Guitry. On se rappelle que lors de sa nomination parmi les Dix, le 28 juin 1939, Sacha promit de faire don à la Compagnie, après sa mort, de son hôtel particulier et de sa collection. Démissionnaire en 1945, au moment même où ses anciens pairs s’apprêtaient à l’exclure pour collaboration alors qu’il obtint un non-lieu avec attestation du juge d’instruction de sa parfaite correction sous l’occupation, Sacha a pu être amené à reviser sa position.

En l’absence de tout élément d’information précis, les Goncourt s’inquiètent... Il faut avouer qu’il y a de quoi. Les tableaux, souvenirs et objets d’art que les seize cents privilégiés ont pu admirer dans le salon du Champ- de-Mars, représentent une fortune considérable. Rien qu’en peintures et en sculptures, il y en a pour des dizaines de millions. Un Goya, des Manet, un Van Gogh, un Rembrandt, un Courbet, un Monet, des Cézanne, des Fantin-Latour, des Renoir, un Daumier, des Vuillard, un Lautrec entourent un groupe de Carpeaux, des bustes de Victor Hugo et Clemenceau par Rodin, le plâtre original du « Baiser », du même artiste, le buste d’Anatole France par Bourdelle, etc. Parmi les tableaux d’artistes contemporains, on remarque des œuvres de Vlaminck, de Roland Oudot, d'Utrillo, de Braque, de Dufy, de Matisse et d’Othon Friesz. Dans les souvenirs figurent la canne de Talleyrand, dont Sacha se servit lorsqu’il incarna à l’écran Le Diable boiteux, le chapeau et les gilets de Napoléon, les gants que portait Clemenceau sur son lit de mort et le fanion de sa voiture, le manuscrit de La Madelon, le livre de comptes de Juliette Drouet, l’amie de Victor Hugo sur lequel on peut lire : « Donné cinq francs à Toto », etc. Les manuscrits et les autographes aussi sont nombreux, depuis les lettres de Henri IV à Sully et de Camille Desmoulins à sa femme, jusqu’à celles de Jean-Jacques Rousseau et Madame de Sévigné en passant par le manuscrit de L’École des femmes et une édition originale de Voltaire annotée par lui-même.

Informé du succès de son exposition, par une lettre de la Société des Auteurs Dramatiques, qui assume la responsabilité de l’organisation des visites, Sacha n’a pas dissimulé sa satisfaction. — On ne pourra plus prétendre que je suis un égoïste, dit-il, puisque je fais partager mon plaisir de collectionneur, à mon seul ami : le public !... Le même courrier apporta, toutefois, la lettre d’un admirateur qui lui reprochait d’avoir oublié de montrer une partie importante de ses collections : ses cinq épouses. Sacha a répondu simplement : « Cher monsieur, si les femmes sont les pièces de collection les plus faciles à réunir, elles sont aussi les plus difficiles à garder, car les amateurs sont innombrables...

La Presse, le 2 mars 1952


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La Presse, le 2 mars 1952
La Presse, le 2 mars 1952



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